Une personne de votre famille ou un proche est en difficulté sociale ou financière et on vous a dit : « Tu devrais demander une tutelle ».
C’est une phrase que l’on entend souvent, mais peu de personnes savent vraiment ce que cela sous-entend.
Le terme « tutelle » est fréquemment utilisé pour parler de protection juridique alors qu’en fait, il existe plusieurs types de protection, chacune devant être adaptée à la situation de la personne (article 428 du Code civil).
Il faut d’abord comprendre qu’une personne ne peut pas être placée sous mesure de protection au motif qu’elle a « les poches percées », qu’elle est surendettée ou qu’elle ne travaille pas.
Table des matières
1 – Que dit la loi
La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection des majeurs a supprimé les motifs de « prodigalité, intempérance ou oisiveté ». Ce qui signifie qu’une personne qui dépense son argent, qui abuse des plaisirs de la table, de la boisson ou de la chair, ou qui ne veut pas travailler, ne pourra, par ces motifs, être placée sous protection juridique.
L’article 425 du Code civil définit que « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique… »
Il n’existe donc que deux raisons permettant de demander la mise en place d’une protection juridique pour une personne adulte :
- l’altération médicalement constatée de ses facultés mentales ;
- l’altération médicalement constatée de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté.
De plus, ces altérations doivent être constatées par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République qui rédigera un certificat circonstancié (article 431 du Code civil).
Cela signifie aussi qu’une personne invalide qui a toutes ses facultés mentales et qui peut exprimer sa volonté ne pourra pas être placée sous protection au motif de son handicap.
Enfin la mesure de protection ne peut être prononcée que s’il n’existe aucune autre solution telle que l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux (article 428 du Code civil).
L’analyse de Patrice Briys
Prenons un exemple :
Dans un couple, l’un des deux conjoints est atteint de la maladie d’Alzheimer et il devient nécessaire de vendre un bien immobilier acquis en indivision. La signature des deux conjoints est forcément nécessaire. Il n’est toutefois pas obligatoire de passer par une mesure de protection si la seule finalité de cette mesure est de réaliser cet acte. Les articles 217, 219, 1426 et 1429 du Code civil indiquent que si l’un des deux époux est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille, l’autre époux peut, par décision de justice, le remplacer.
2 – Les mesures de protections juridiques
Comme dit précédemment, on parle souvent de « tutelle » pour désigner une mesure de protection juridique alors qu’il existe en fait trois mesures principales :
Chacune de ces mesures implique des droits et des devoirs tant pour la personne protégée que pour son protecteur.
Vous trouverez toutes les explications de ses mesures en cliquant sur le menu « LA PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS« .
À ces mesures viennent s’ajouter des mesures de protection qui ne sont pas « juridique » (mandat de protection future), ou ne peuvent être exercées que par un professionnel (mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) et mesure d’accompagnement social personnalisée (MASP) : voir LES ALTERNATIVES AUX MESURES DE PROTECTIONS JURIDIQUES).
3 – Pour comprendre les principales différences des mesures
- La sauvegarde de justice est une mesure provisoire permettant de protéger les intérêts de la personne le temps de la procédure qui définira si une mesure est nécessaire et le cas échéant, laquelle devra être prononcée ;
- La sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial pourra avoir la même finalité que la précédente, mais une personne sera désignée pour accomplir un certain nombre d’actes que le juge aura définis durant la durée de l’instruction. Elle pourra aussi n’avoir d’autre objectif que la réalisation de certains actes sans que soit mise en place une mesure de protection (curatelle ou tutelle). Dans ce cas, elle se termine quand les actes ont été accomplis ;
- La curatelle est une mesure d’assistance. La personne protégée conserve ses droits pour les actes courants (actes d’administration) et doit obligatoirement être assistée pour les actes impliquant le patrimoine (actes de disposition). La curatelle peut être renforcée, confiant la gestion des dépenses et des recettes au curateur ;
- La tutelle est une mesure de représentation. Les actes d’administration sont réalisés par le tuteur. Quant aux actes de disposition, ils ne peuvent être réalisés qu’avec l’autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille s’il a été constitué).
L’expérience de Patrice Briys
Chacune de ses mesures de protections juridiques implique un certain pouvoir du protecteur sur le protégé. Toutefois, l’article 415 du Code civil rappelle que « cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci ».
Assurer une mesure de protection auprès d’un proche implique de grandes responsabilités. Il faudra protéger la personne de ceux qui voudraient abuser de ses faiblesses, voire d’elle-même, tout en favorisant son autonomie. Il faudra l’impliquer dans les prises de décisions budgétaires, patrimoniales ou personnelles, l’assister ou la représenter dans certaines démarches, lui rendre compte ainsi qu’à la personne chargée de la vérification des comptes rendus de gestion (pour une curatelle renforcée ou une tutelle), solliciter le juge des tutelles pour certains actes, sollicité les services sociaux lorsque cela est nécessaire, parfois prendre des décisions comme refuser une dépense qui va à l’encontre des intérêts de la personne protégée et ainsi prendre le risque d’entrer en conflit avec elle …
À ces responsabilités s’ajoutent celles des dommages résultant d’une faute commise dans l’exercice de la fonction (mandataire spécial, curateur, tuteur). L’article 421 du Code civil précise que la responsabilité de celui chargé de la mesure de protection est engagée.